Lac des Béraudes

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Situé à 2 500 m, la cuvette du lac des Béraudes a été affouillée par un glacier aujourd'hui disparu, creusée dans les calcschistes crétacés du synclinal du massif des Cerces. Ce lac doit sa présence à une moraine qui fait barrage.

Deux aspects seront abordés :
- les roches sédimentaires résultant d'une histoire échelonnée de 300 à 65 Ma, et leur structure née lors du plissement alpin (30-40 Ma) ;
- l'action des agents d'érosion, surtout des glaciers, durant les derniers millénaires, déterminant entre autres la formation de cirques glaciaires.

Le massif des Cerces est constitué de terrains surtout calcaires (Trias à Crétacé, 250 à 65 Ma), encadrés de roches plus anciennes (Carbonifère, 300 Ma). Il correspond à un synclinal. La crête ouest est bien fermée et très haute (Pointe des Cerces, Pointe de la Sauma, pic de la Moulinère, col des Béraudes). La partie est du massif est échancrée par toute une série de cirques glaciaires (dont celui du lac des Béraudes, et le cirque sans nom par lequel s'effectue la descente).


1. ROCHES SÉDIMENTAIRES : 200 Ma d'histoire géologique, du Carbonifère (300 Ma) au Crétacé (65 Ma)

Lac des Béraudes

En montant depuis la Clarée jusqu'au lac des Béraudes, on observe :

  1. schistes et grès du Carbonifère (300 Ma). Les grès forment des rochers arrondis, usés par le glacier. Peu à l'aval du parking se trouve un gros rocher de grès parallèle à la rivière. Une tranchée rectiligne à l'extrémité de laquelle on voit quelques déblais anciens est visible : il s'agit de la trace d'une couche de charbon insérée entre deux bandes de grès verticaux, autrefois exploitée en surface.
  2. grès rouges et rosés du Permien, mal visibles car couverts de moraine et végétation.
  3. quartzites blancs du Trias inférieur (250 Ma), plus résistants à l'érosion et constituant une série de rochers blanc verdâtre (avec lichen jaunâtre à verdâtre caractéristique : Rhizocarpum geographicum)
  4. calcaires et dolomies (Trias moyen, 230 Ma environ) mal visibles dans la montée mais bien développés au nord de l'itinéraire de descente (rochers et main de Crépin)
  5. brèches constituant notamment les sommets encadrant le lac des Béraudes (pointe de Béraudes), constitués de blocs de toutes tailles (centimétriques à plusieurs mètres), en bancs verticaux épais de quelques mètres chacun, cimentés par des calcschistes rouges et verts (anciennes boues de mer profonde), contenant des restes de plancton, déposées au cours du Crétacé supérieur (100 - 65 Ma). Les bancs de brèches sont séparés par des lits de ces mêmes calcschistes. La formation de ces brèches est due à l'écroulement d'un escarpement sous-marin situé à plusieurs milliers de mètres de profondeur. Cet escarpement est visible plus loin sur l'itinéraire (point coté 2 709).
  6. mêmes calcschistes alternant avec de petits bancs calcaires crème très clair, mais sans intercalations de conglomérats au-delà vers l'ouest, à la crête de la Montouze (dominant le lac au nord). L'observation attentive de la paroi de la Montouze montre que les petits bancs calcaires dessinent la structure du synclinal, l'ensemble étant découpé en feuillets subverticaux.

Photo du synclinal de la MontouzDessin du synclinal de la Montouz
Crête de la Montouze, le trait gras souligne le dessin du synclinal

 

Escarpement rocheux coté 2 709

En montant vers le col 2726, l'escarpement rocheux coté 2 709 est fait de calcaires et dolomies du Trias moyen (230 Ma), dont les bancs sont inclinés vers le sud-ouest et sont entaillés par la falaise regardant vers le nord-est. Des roches rougeâtres et noires (oxydes de fer et manganèse) forment un enduit qui encroûte cette falaise, comme sur les affleurements rocheux au fond des océans actuels. Il s'agit là, bien conservé, d'un ancien escarpement sous-marin dont l'écroulement a donné naissance aux brèches vues précédemment. Cet escarpement sous-marin est dû à l'existence d'une faille ancienne, contemporaine aux dépôts de calcaires et calcschistes du Crétacé (100 Ma).


Prolongement sud de la faille, visible sur la crête des Béraudes


Au sommet de l'escarpement, on voit sur la crête des Béraudes le prolongement sud de cette faille ancienne :
  • à gauche de la faille, calcschistes du Crétacé dont la base tout à gauche (près du lac) comporte des intercalations de conglomérats, eux-mêmes reposant sur d'épais calcaires et dolomies du Trias moyen
  • à droite, les mêmes calcschistes du Crétacé supérieur reposent directement sur les quartzites du Trias inférieur, et ne comportent pratiquement pas d'intercalations de conglomérats à leur base. 
Cela implique qu'il y a eu une importante érosion antérieure au dépôt des calcschistes : manquent plus de 1 000 mètres de calcaires et dolomies triasiques qu'on retrouvent cependant sur toute la zone briançonnaise. Une telle érosion ne peut se faire en mer profonde, et elle n'a été possible qu'au Jurassique inférieur (180-170 Ma), à l'époque où le Briançonnais était une île émergée.
Bord Est du synclinal

Bord est du synclinal des Cerces
Pointe des Cerces (calcschistes du Crétacé supérieur) et rocher ou "main" de Crépin (calcaires, dolomies,brèches ; Jm : calcaires du Jurassique moyen).

 

Bord Ouest du synclinal Bord ouest du synclinal des Cerces

Le Rocher de la Sauma, à gauche (ouest), et le col qui le sépare de la pointe des Cerces : contact vertical des calcschistes gris clairs du Crétacé supérieur (70-80 Ma) sur les calcaires du Trias moyen (230-240 Ma), sans intercalation de brèches.

La faille a encore fonctionné au Crétacé supérieur (70-80 Ma), cette fois en milieu marin profond. Ainsi est né un escarpement sous-marin dont l'écroulement a donné les blocs et galets des conglomérats vus près du lac des Béraudes. Un peu à l'ouest, une certaine épaisseur de calcaires du Trias moyen, non érodés, réapparaît pour former la falaise située au pied de la crête pic de la Moulinière - Rocher de la Sauma. Là, le contact des calcschistes crétacés sur les calcaires triasiques (devenu vertical suite à la formation du synclinal) se fait sans interruption de brèches. Cela s'explique bien par l'existence de cette faille d'âge crétacé : on est ici du côté surélevé par rapport à la faille. C'est le bloc abaissé qui a reçu les blocs de l'écroulement sous-marin. Ce rejeu en extension (faille normale) pose question car il a eu lieu dans un contexte de compression (fermeture de l'océan Téthys-Ligure).

 

Faille de la crête des Béraudes

La faille actuelle est l'héritière d'une ancienne faille sous-marine vieille de 180 Ma, ayant fonctionné à nouveau en mer profonde il y a 70-80 Ma. À sa gauche, calcschistes du Crétacé supérieur (70-80 Ma) ; à sa droite, quartzites blancs du Trias inférieur (250 Ma), directement surmontés par des calcschistes du Crétacé supérieur (70-80 Ma).

Coupe du synclinal des Cerces
Coupe transversale du synclinal calcaire des Cerces, de la Pointe des Béraudes au col des Béraudes et à la crête de la Moulinière.

A : état actuel, après le plissement alpin.
Une grande faille (1 km de déplacement) sépare deux secteurs différents. À l'est (gauche), les calcaires et dolomies du Trias sont très épais car ils n'ont été que peu érodés durant l'émersion de l'île briançonnaise, avant le dépôt des couches jurassiques et crétacées, et les couches crétacées sont riches en brèches d'écroulements sous-marins. À l'ouest (droite), les calcaires et dolomies sont très peu épais ou inexistants parce que fortement érodés au Jurassique (île briançonnaise), et les couches du Crétacé supérieur ne contiennent pas de brèches.
s : surface d'érosion

B : reconstitution au Crétacé supérieur (vers 70-80 Ma)
Dépôt des sédiments calcaires et marneux (boue à plancton de mer profonde). Écroulement de l'escarpement sous-marin de faille, donnant naissance aux brèches.

C : reconstitution au Jurassique inférieur (180 Ma), vers la fin de l'émersion de l'île briançonnaise.
La faille existait déjà, ce qui explique les érosions différentes à l'est et à l'ouest de celle-ci. Le dessin conduit à reconstituer un bloc basculé de la marge continentale européenne de l'océan alpin limité par une faille normale.

En débouchant du cirque glaciaire sans nom, poudingue
Au départ du sentier qui part vers la droite pour rejoindre le chemin de montée, à gauche, on peut observer des bancs de calcaire gris contenant des galets bien arrondis de dolomie grise (poudingue). Ce sédiment date du début de l'enfoncement de l'île briançonnaise (Jurassique moyen 170 Ma), intercalé entre les calcaires et dolomies du Trias et les brèches du Crétacé supérieur. Les galets arrondis témoignent de l'action soit des torrents de l'île, soit des vagues sur les rivages de cette île en cours de submersion.
Poudingue

2. LE GLACIAIRE

Le lac des Béraudes doit son existence à un petit barrage de cailloux et de de blocs, une moraine. En débouchant à son niveau, le paysage change brutalement : on entre dans le "désert minéral", un cirque d'origine glaciaire, entourés de crêtes calcaires élevées (2 800 - 3 000 m), très étroites et drapées d'éboulis. Le cirque est fermé au sud-ouest par une muraille verticale élevée, qui va du Pic de la Moulinière au Rocher de Sauma.
La morphologie, typiquement glaciaire, est très fraîche. Il n'y a pas si longtemps, quelques milliers d'années probablement, le cirque, comme les cirques voisins, était occupé par un glacier qui a creusé une courte vallée orientée vers le nord-est et dont le profil était en U, caractéristique des vallées creusées par les glaciers. Ce profil est ici à peine modifié par les éboulis formés après la fonte du glacier.

Un deuxième cirque glaciaire descend vers l'est, parallèlement à celui des Béraudes, les deux cirques étant fermés à l'ouest par la même haute falaise de calcaires triasiques verticaux qui va du Pic de la Moulinière à la Roche de la Sauma.

Coupe longitudinale

Coupe longitudinale (NNW-SSE) passant par l'axe du synclinal
Série de cirques glaciaires séparés par des crêtes rocheuses hautes et étroites.

Cirque glaciaire des Cerces

Deux cirques glaciaires récents qui échancrent le versant est du massif des Cerces (vus depuis les Gardioles).
Le cirque du lac des Béraudes est à gauche, le cirque sans nom de l'itinéraire de descente à droite. Au fond (vers l'ouest), les cirques sont fermés par une haute falaise (couches verticales calcaires du rebord ouest du synclinal des Cerces), entre le pic de la Moulinière à gauche, au Rocher de la Sauma et la Pointe des Cerces à droite.

Cet itinéraire permet de passer en  revue les différentes séries sédimentaires mises en place entre le Carbonifère et le Crétacé en Briançonnais : sédiments continentaux puis de mer s'approfondissant. Ici, la présence d'une faille crétacée a entraînée l'éboulement d'un escarpement sous-marin. Au niveau de cette faille, une lacune sédimentaire est la conséquence de l'émersion de l'île Briançonnaise au Jurassique inférieur.
Par la suite, le plissement alpin est responsable de la formation du synclinal. Enfin, des glaciers ont érodés les terrains, formant les cirques glaciaires.